Cette exposition, qui découle d’une résidence de création, se déploie sur quatre sites de Villeneuve Lez Avignon : la Chartreuse, le musée Pierre-de-Luxembourg, le fort Saint-André et la tour Philippe-le-Bel (où sont exposées des œuvres de la collection du Frac choisies par l’artiste). Soutenu par la Région Occitanie, initié et piloté par le Frac Occitanie Montpellier, ce programme annuel de résidence de création se déroule dans un lieu spécifiquement dédié à l’accueil des auteur·es dramatiques – la Chartreuse – Centre national des Écritures du spectacle –, lui-même situé dans le cadre exceptionnel de la ville de Villeneuve Lez Avignon.
Dans un univers allant de sites grandioses aux déserts martiens, de ruines de l’industrie culturelle au naufrage de l’histoire, de formes géométriques simples à des constructions complexes, David Coste plie et déplie des scénarios possibles. Le monde autour désigne cette hétérotopie où les réalités se télescopent aussi bien dans l’espace que le temps et où l’homme, absent, est tout entier dans le paysage.
L’invitation à Villeneuve Lez Avignon lui permet de déployer ses œuvres dans plusieurs monuments emblématiques de la ville, le musée, la Tour, le Fort et la Chartreuse, selon leur spécificité, tout en gardant à l’esprit la devise des chartreux : « Stat crux dum volvitur orbis », autrement dit « La croix demeure tandis que le monde tourne. »
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Extrait du texte de Céline Mélissent, co-commissaire de l’exposition avec Valérie Mazouin, directrice de la Chapelle Saint-Jacques centre d’art contemporain
Comme une évidence à la Chartreuse, David Coste explore une figure qui lui est chère, celle de la sphère, d’abord en silhouettes géométriques découpées, maillons d’une structure et d’une architecture plus complexe, à reconstruire mentalement. Puis de cimaise en cimaise, il développe les formes découpées et posées à même le mur ; les espaces vides de représentation deviennent des volumes sur et dans lesquels se dessinent, voire se réfléchissent, des fragments de paysage. Le trait est vif, le dessin en noir et blanc et l’image joue sur de forts contrastes. Plié et déplié, glissant de la 2D à la 3D, du dessin à la projection photographique, le monde clos de la sphère devient vaste, propose le passage vers des mondes et contient des récits potentiels comme autant de présages. Au-delà de toute continuité historique, sur fond de natures extraites ou inspirées de films, dômes géodésiques, vaisseaux naufragés et monolithes immémoriaux cohabitent comme autant de vestiges futuristes.
À l’étage, de faux rochers immaculés issus du pliage du papier opèrent comme des palimpsestes, où se modélisent et se projettent les manipulations dessinées, animées et filmées par l’artiste. La matière du pli est celle du temps, du silence propre au lieu et des fictions de l’art qui nous invitent à penser et à imaginer.
À contrepied, l’appartement des sous-sacristains s’est métamorphosé en théâtre de Rémanences futures. Entre réalité et fiction, impermanence et persistance, David Coste rejoue à grande échelle la création d’espaces paradoxaux, à l’origine fabriqués sous forme de maquettes construites à partir de panneaux, de matériaux simples et d’images projetées, puis photographiés et ici imprimés pour être affichés all over. Les cimaises couvertes d’images sombres, noires, rouges et pourpres proposent une immersion dans un lieu indéterminé et fantomatique, fait d’ombres et de réapparitions. S’agit-il d’un atelier, d’une réserve, d’un décor ou encore d’une salle d’exposition en montage ? L’illusion repose sur l’échelle, les imbrications de plans et la vraisemblance des images, mais l’interprétation reste ouverte, le spectateur au bord d’un espace narratif à construire.
Au musée, Les Portraits d’espace changent la mesure, tout en restant aussi énigmatiques et inhabités. De manière sensible, l’artiste réinterprète et croise à nouveau les sources en s’inspirant des arrière-plans de tableaux de la collection et d’images issues de films de science-fiction. Mais cette fois, c’est à partir de décor de studio de prises de vue photographiques, collectés ici et là, qu’il décontextualise, recadre en intégrant des éléments techniques, et compose ces portraits. Habituellement secondaires les arrière-plans deviennent le sujet. Les tirages au pigment de charbon, jouant avec la saturation des noirs et la subtilité des camaïeux de gris, cherchent délibérément le seuil de l’image. Le temps est comme suspendu, se dégage une atmosphère vaporeuse, intrigante et spectrale.
David Coste interroge l’image et son pouvoir de convocation des imaginaires. Son travail fait écho à l’extrême porosité entre le vrai et le faux du monde actuel largement gouverné par des fictions, qu’elles soient publicitaires, médiatiques ou touristiques. Désormais la vision romantique est à l’épreuve du scénario apocalyptique contemporain, Vestiges et présages.
En ce sens, Red Rock fait partie de ses œuvres directement en lien avec l’Entertainment et l’imaginaire collectif qui découlent de ces représentations. De manière spectaculaire et générique, une montagne de l’ouest américain occupe tout le cadre d’un rideau de scène. Hommage au cinéma de genre, d’Hollywood à la Paramount, des westerns à Rencontre du 3e type, le motif est iconique des lieux fantasmés par l’industrie du divertissement. L’installation renvoie au caractère factice de notre environnement et à sa ruine programmée, théâtre qui donne à voir une nature grandiose version recolorisée, au lourd drapé évoquant l’affaissement si ce n’est l’effondrement d’un système. Quand le réel dépasse la fiction, est arbitré par nos souvenirs et nos fantasmes, il s’agit de créer des alternatives en décentrant les points de vue.
Les caissons lumineux installés à la chapelle du Fort mettent en lumière cette artificialisation de la réalité. Des fragments de paysages idéalisés, photographiés dans des parcs d’attraction, sont cadrés de manière à entrevoir l’envers du décor. Après la séduction première, retour brutal à l’inconsistance et la vacuité de ces constructions.
De Disneyland et du tourisme de masse, David Coste retient aussi la fragilité des sites, d’une certaine manière leur obsolescence programmée. Il réactive au Fort une série d’œuvres liées au naufrage, à la survie, à l’imagerie des îles et de la robinsonnade. L’inspiration vient du panorama du site même, le Rhône en contrebas, du dénuement et de l’isolement des hommes dans la forteresse.
Plusieurs installations fragiles faites essentiellement de papiers et de tasseaux de bois recyclés ponctuent le parcours. Le dessin s’expose en volume, support à la fabrique des images et des histoires. Ces variantes de décors bricolés avec des bouts de ficelle, de faux rochers et des poutres en papier, jouent avec nos perceptions. S’ils témoignent de l’improvisation des moyens, Foyer, Bivouac et Radeau portent chacun leur propre histoire et tissent les imaginaires en l’occurrence de la survie dans cet univers rude et plutôt inamical, mais aussi de romans, de films plus ou moins fantastiques. Associés aux estampes sur bâche de gros plans étranges et aux gravures de l’île de Peter Pan, le spectateur est embarqué dans un univers propice à l’émergence de sensations, de souvenirs et de rencontre de strates de récits.
David Coste nous plonge dans ce lieu sans lieu des êtres perdus, et mise indéniablement sur la fiction comme moteur de l’action.
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Céline Mélissent, responsable de la programmation hors les murs au Frac Occitanie Montpellier
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